Enchantée, monsieur. [Tabby]

Marcher seule, ce n'est pas vraiment simple. Loin de là. Ce n'est pas comme si j'étais habituée à être accompagnée non plus, mais pouvoir parler avec un ami est complètement différent que de ne pas pouvoir. On écrase l'herbe sous nos paluches, on envoie valdinguer des cailloux parce que c'est la seule chose qui nous donne un effet de vivacité autour de notre espace, le vent fait office d'obstacle, le temps nous paraît triste et monotone, l'atmosphère pesante.
En vérité, c'était très bien que je sois seule. Je l'avais souhaité. Je m'étais abandonnée à disparaître de mes Terres, pour m'envoler dans d'autres territoires. J'avais décidé ce choix. Depuis la veille, j'avais cette sensation étrange qu'un truc encore pire trônait dans les airs. En sachant que j'avais, de plus, organisé une Assemblée au nom de ces drames de plus en plus fréquents. Je ne pouvais réussir à décrire les frissons que je ressentais à chaque craquement de la moindre petite feuille, à chaque battement d'ailes, à chaque... bruit, sans doute. J'avais beau paraître imposante devant mes congénères, la nuit je me laissais prendre par cette peur qui faisait de mes nuits des nuits éveillées. Je n'avais pas dormi depuis des jours. Je voulais dormir.
Je marchais et marchais. Encore, toujours dans cette détermination que je ne maîtrisais pas. Je savais qu'en marchant, je finirais par tomber sur quelque chose, un tronc, un pré, un arbre assez gros pour me supporter ou... ne serait- ce qu'un point d'eau. J'avais un but maintenant. Alors mes pas qui guidaient ma route, ne s'arrêtait pas, machinalement.
Une bouffée d'air fraîche me chatouilla les moustaches. Je levai mon museau en l'air, pour humer ce vent. De là, de belles senteurs s’offrirent à moi. Je sentis des parfums de fleurs, des racines d'arbres, et même une humidité. Et ce fut cette humidité qui me réveilla soudainement : un point d'eau se trouvait forcément quelque part. Je me mis a courir sur mes grosses pattes, sèchement mais efficacement. Prise dans une folie ... folle ?!
Quand j'y arrivai, après avoir éviter plusieurs branchages, je ne faisais pas attention à ce qu'il y avait. En réalité, mes yeux étaient plutôt attirés par... une tâche. Une tâche rousse, comme moi. Enorme, assoiffée, et ... Wotes ? Je savais d'avance que ce n'était pas Virvolte. Elle m'aurait sans doute déjà repéré.
Je me fis toute petite et j'avançai en diagonale.
Moi aussi je venais me déshydrater. Mais cette tâche coupait mes plans de solitude et d'isolement, de calme et de réflexion. Et moi qui venais à l'instant de repérer un souche au bord de l'étendu d'eau... Parfait pour une sieste.
Décidément, quand on est seule, on le remarque. Quand on ne l'est pas, pas forcément.

La tigresse me repéra facilement. Ce qui n'était pas une gêne pour moi : elle n'avait pas l'air désagréable et je me sentais plutôt à l'aise. Ses douces paroles m'atteignirent la chair et sans rire, j'ai cru avoir frisonner. Ou bien était-ce parce que j'étais vraiment fatiguée et le fait que l'on me coupe de mon sommeil-éveillé était un choc suffisant pour ce que j'ai ressentis ?
La tâche amicale, que j'ai vraiment du mal à distinguer avec mes yeux humides, m'avait proposer d'aller boire d'un geste assez peu ordinaire. J'y allai donc. Et je dois avouer que j'y serais tout de même allé. J'avais vraiment soif, et même si il y avait un ours à la place de cette agréable personne, j'y serais certainement allée. Du moins.. je pense. Quoi qu'il était vrai que son aura était assez agréable et je dois avouer qu'elle ne me donnait aucun frisson : j'avais l'impression de la connaître. Qu'une impression.
Le fait qu'elle me tutoyait en plus de ça, devait certainement avoir une influence sur cette impression qui s'en dégageait.
« Toi, tu es une Baghas, pas vrai ? Quel est ton nom ? »
avait -elle dit.
Ces phrases ci résonnaient dans ma tête avant de rejoindre mon cerveau complètement. Je devais l'avoir laissé en plan durant un laps de temps, court pour elle, long pour moi. Me sentant impolie de boire et de ne pas lui répondre, je réagis soudainement à ses paroles.

Exact. Tabby.


Sans m'en rendre compte tout de suite, j'avais été encore plus impolie. Je m'étais remise à lécher la couche d'eau, mon ton avait été brutal et mes mots si pressés qu'ils n'étaient même pas agréables.
Je me repris en prenant une tête assez peu ordinaire : j'étais génée.

Hmpf. Désolée. Je suis Tabby, l'Alpha des Baghas.


Je venais peut être d'offrir une mauvaise image des nôtres à l'instant. Mais je suis convaincue que je n'étais pas la seule bouleversée par les évènements. De toute évidence, tout le monde panique un peu. Si j'aurais été la seule, pourquoi aurait-il fallu que nous fassions une Assemblée et que nous en arriverions à cette conclusion ? Tout tourne autour de mystères.
Peut être que cette tigresse en sait quelques uns ou.. s'interrogent comme moi.